La COP23 le bilan .

 

La COP23 reprend une expression célèbre  » la maison brûle » de Jacques Chirac et en effet, cela a été le cas pour la Californie et pour le Portugal en 2017.

On ne vous le cache pas, la COP23 s’annonçait technique et – pour le commun des mortels, peu sensible aux charmes discrets des discussions onusiennes – ennuyeuse à souhait. C’était sans compter sur la détermination des Fidjiens qui, les pieds dans l’eau, organisent l’évènement, délocalisé à Bonn (Allemagne) pour des raisons logistiques. Selon eux, si la COP23 est un échec, l’accord de Paris, engagement signé en grande pompe en 2015 à l’issue de la COP21, ne servira à rien. Les Fidjiens ont raison. Pour l’instant, l’accord de Paris, c’est un peu un jeu de l’oie mondial avec une case « départ » (l’état de la planète aujourd’hui), une case « arrivée » (limiter la hausse des températures à 1,5°C d’ici 2100), 196 joueurs… et pas la moindre règle. Du lundi 6 au vendredi 17 novembre, les négociateurs internationaux vont tenter de remédier à ce néant. Une tâche bien plus excitante (et cruciale) qu’il n’y paraît.

Un premier bilan de l’état de la planète sera dressé

Pour sauver la planète, il faut d’abord clairement évaluer le mal dont elle souffre. Ainsi, pour Brigitte Collet, ambassadrice française chargée des négociations sur le changement climatique, interrogée par le Journal de l’environnement,« l’accord de Paris oblige à dresser un bilan mondial qui permette d’évaluer les efforts accomplis en matière d’atténuation [la réduction des émissions de gaz à effet de serre], d’adaptation [faire face aux conséquences du dérèglement climatique] et de moyens mis en œuvre ». De l’Union européenne à la Chine en passant par le Mexique, le Maroc ou les îles Marshall, il s’agit de positionner tout le monde sur la ligne de départ.

Examinés à la loupe, les pays devront faire le point sur leur situation, leurs objectifs et les moyens qu’ils se donnent pour les réaliser. « En résumé, on évalue ce qui a été fait, on détermine ce qu’on veut faire et comment y arriver. Mais pour cela, l’idée est de faire discuter entre eux les dirigeants politiques sur les bonnes pratiques et de les pousser à s’engager en faveur de nouveaux objectifs », poursuit la négociatrice. Car à partir de 2023, il faudra dresser ce bilan mondial tous les cinq ans, à partir de la méthode fixée cette année à Bonn.

Les règles qui y seront mises en place s’appliqueront jusqu’en 2100

Une fois passée la visite médicale, quel traitement administrer à la planète ? Sur ce point, les Etats ont aussi du travail. Lors de la COP22, à Marrakech (Maroc), les pays signataires ont validé la nécessité d’écrire le mode d’emploi (ou comment parvenir aux objectifs décidés en 2015) d’ici 2018 et la COP24, prévue en Pologne. Ce « manuel d’application », ou règlement commun, s’appliquera à tout le monde, pour les 82 années qui viennent.

« La question est de savoir sur quel système international on s’appuie pour savoir ce que l’on fait, et pour s’assurer que notre trajectoire n’est pas trop éloignée de nos objectifs », résume Brigitte Collet, toujours dans le Journal de l’environnement. De ce point de vue, cette conférence est au moins aussi ambitieuse que celle de Paris, tant les sujets qui fâchent sont nombreux.

Quels pays devront faire plus que prévu ? Comment s’assurer que tout le monde joue le jeu ? Quelle instance jouera les arbitres et s’assurera, en toute transparence, que tout le monde fait sa part du boulot ? Sur quels critères ?« Comment garantir que les données de chaque Etat seront comparables ? », liste encore Brigitte Collet. « Quelles informations transmettre ? Peut-on demander les mêmes données aux pays en développement ? Autant de questions auxquelles il faudra répondre aussi bien pour l’adaptation que pour l’atténuation.« 

Les pays vont parler argent

En général, la COP, c’est aussi une partie géante de Monopoly. Car s’adapter au réchauffement climatique et aux intempéries qu’il provoque, ça coûte des milliards d’euros. Le « mécanisme international de pertes et dommages » est d’ailleurs au menu de toutes les conférences depuis sa création en 2013. Son concept : allouer des fonds à l’aide pour les pays en développement qui sont touchés de plein fouet par les effets du réchauffement climatique, comme des cyclones et des ouragans plus puissants. Comme les pays riches et industrialisés ne veulent (en général) pas payer et que les autres ne le peuvent pas, les discussions sont animées et les négociations tendues.

Or, l’actualité récente a prouvé qu’il ne fallait plus attendre. Les ravages des ouragans Irma et Maria ont mis en lumière la capacité destructrice de ces évènements climatiques, y compris lorsqu’ils frappent des territoires français ou américains (c’est triste, mais les pays riches sont plus enclins à mettre de l’argent sur la table s’ils se sentent concernés). Enfin, le sujet qui fâche pourrait être mis sur la table par les îles Fidji, lesquelles se remettent tout juste du violent cyclone Winston, le plus puissant jamais enregistré dans l’hémisphère sud, qui a causé la mort de 44 personnes et a détruit des milliers d’habitations en février 2016.

Pour les Fidjiens, la présidence de la COP23 constitue l’occasion ou jamais de discuter du financement de l’adaptation, mais aussi d’évoquer un système d’assurance capable de venir en aide aux pays qui, comme eux, souffrent davantage des effets d’un réchauffement climatique auquel ils ont si peu contribué.

Il devrait être question d’actions concrètes aussi

Entre les processus législatifs longs et compliqués qui accouchent de mesures insuffisantes et les chefs d’Etat qui jettent carrément leurs engagements par la fenêtre (à l’instar de Donald Trump), l’ONU a compris qu’il fallait absolument mettre les villes, les régions, les ONG et les acteurs privés dans la boucle pour réaliser les objectifs de l’accord de Paris. La COP23 doit ainsi œuvrer à créer des partenariats au-delà des seuls gouvernements dans ce que l’on appelle des« grandes coalitions d’acteurs ».

Ironiquement, ces acteurs ont été galvanisés par le retrait de l’accord de Paris des Etats-Unis, annoncé en juin par Donald Trump, assurent certains négociateurs. « Plus l’année avançait, plus il nous apparaissait nécessaire de restaurer la vision parisienne », assurait ainsi la négociatrice en chef des îles Fidji, Nazhat Shameem Khan, début octobre (en anglais), soucieuse de faire de la COP23 un évènement aussi important que la COP21. Or, si l’on se souviendra de l’accord de Paris et de sa portée symbolique, c’est au cours de cette édition fidjienne que la planète, dans toutes ses composantes, doit se retrousser les manches. Une COP de l’action concrète après 22 ans de tergiversations. Difficile de faire plus concernant.

En pleine période de canicule, le constat n’a rien de rassurant. Les vagues de chaleur, inondations, tempêtes et autres phénomènes extrêmes pourraient faire 152 000 morts par an en Europe d’ici à la fin du siècle, contre environ 3 000 par an actuellement, essentiellement à cause du réchauffement climatique, informe une étude publiée samedi 5 août.

Environ deux Européens sur trois pourraient être exposés tous les ans à de telles catastrophes d’ici à 2100, contre 5% durant la période 1981-2010, écrivent les chercheurs du Centre commun de recherche de la Commission européenne dans la revue The Lancet Planetary Health (en anglais). Ils pourraient mourir, être blessés, malades, perdre leur logement ou subir des effets indirects comme un stress après l’événement.

 

 

images des ports
images des ports

 

 

 

 

Plus de 2 000 catastrophes climatiques analysées

« Si le réchauffement climatique n’est pas contenu d’urgence et si des mesures d’adaptation appropriées ne sont pas prises, environ 350 millions d’Européens pourraient être exposés tous les ans à des phénomènes climatiques extrêmes dangereux d’ici à la fin du siècle », disent-ils.

Les scientifiques ont étudié les effet des sept catastrophes météorologiques les plus meurtrières : vagues de chaleur, vagues de froid, incendies, sécheresses, inondations fluviales et maritimes et tempêtes dans les 28 pays de l’Union européenne, plus la Suisse, la Norvège et l’Islande.

Ils ont par ailleurs analysé 2 300 catastrophes survenues entre 1981 et 2010 pour évaluer la vulnérabilité des populations à chacun de ces phénomènes. Ils ont associé ces données à des projections concernant l’évolution du changement climatique, la croissance et les migrations des populations.

 

image d’un port à l’autre
images d’un port à l’autre
images d’un port à l’autre

 

 

 

 

 

 

 

Le nombre de morts liés à la chaleur pourrait être multiplié par 56

Les vagues de chaleur seront le phénomène le plus meurtrier, provoquant 99% des décès liés aux événements extrêmes, estiment les chercheurs. Le nombre de morts qu’elles entraînent pourrait « augmenter de manière exponentielle », grimpant de 2 700 à 151 500 par an (+5 400%).

Les morts dues aux inondations sur les côtes augmenteraient elles aussi de manière importante (+3 780%), atteignant 233 morts tous les ans à la fin du siècle contre six seulement en trente ans. Les hausses sont moindres pour les incendies (+138%), les inondations fluviales (+54%) et les tempêtes (+20%).

Du fait du réchauffement, le nombre de morts à cause des vagues de froid va baisser fortement, sans pour autant compenser ces hausses, soulignent les chercheurs. L’augmentation du nombre de morts est due pour 90% au réchauffement climatique et 10% seulement à l’augmentation de la population, à l’urbanisation et aux migrations dans des zones exposées aux risques, estiment-ils.

L’étude n’envisage pas non plus d’amélioration des politiques menées pour réduire l’impact de ces phénomènes. De ce fait, les résultats « pourraient être surestimés », soulignent des chercheurs dans un commentaire sur l’étude.